
Stratégie nationale bas carbone et adoption de la SNBC 3
Sommaire
2. SNBC 3 : une nécessaire réévaluation des objectifs de la Stratégie nationale bas carbone
3. De nombreux leviers pour décarboner l’industrie
4. La SNBC 3 mise sur l’accompagnement de l’industrie sur le chemin de la décarbonation
5. Le secteur industriel respecte les temps de passage définis par la SNBC
L’adoption prochaine de la SNBC 3
La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle a été adoptée pour la première fois en 2015, puis révisée en 2020. En 2023, le gouvernement français a engagé la préparation d’une SNBC 3, intégrant le nouveau cadre européen du paquet Fit-for-55 et le Green Deal (pacte vert). Une consultation publique a été lancée fin 2024 avec l’objectif de parvenir à un document finalisé courant 2025. Ce calendrier risque d’être difficile à tenir car l’adoption de la PPE 3 (Programmation Pluriannuelle de l’Energie définissant les objectifs de politique énergétique du pays), qui doit nourrir les scénarios de la SNBC 3, est nettement plus longue que prévue.
La SNBC 3 s’articule autour des dispositions suivantes :
- L’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de réduire l’empreinte carbone des français. Rappelons que l’empreinte carbone intègre les émissions importées alors que la neutralité carbone est évaluée sur la base du territoire national.
- Une trajectoire cible pour atteindre cet objectif.
- Des plafonds moyens d’émissions de gaz à effet de serre pour des périodes de cinq ans, appelés budgets carbone. Ils sont adoptés par décret.
- Des orientations de politiques publiques et des indicateurs de suivi.
Je veux décarboner mon industrie
SNBC 3 : une nécessaire réévaluation des objectifs de la Stratégie nationale bas carbone
La SNBC 2 fixe un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030 par rapport à 1990. Depuis, l’Union européenne a adopté le Green Deal et son objectif de neutralité carbone. La France, s’inscrivant dans cette trajectoire, se fixe désormais un objectif de réduction de ses émissions de GES d’au moins 50% en 2030 par rapport à 1990.
Emissions de GES hors secteur des terres
(observées et projectées, en MtCO2e)
AMS : Scénario Avec Mesures Supplémentaires, soit la mise en œuvre de mesures visant à décarboner
Source : inventaire national des émissions de gaz à effet de serre, Citepa, Secten 2024; modélisations DGEC (éléments présentés dans le projet de SNBC 3 mis en consultation fin 2024)
Pour tenir ce nouvel objectif, la France va devoir changer de braquet. Jusqu’en 2030, les émissions devront diminuer de 5% chaque année contre une réduction de 2% par an en moyenne entre 2017 et 2022. Les budgets carbone de la SNBC 3 seront donc fixés en cohérence avec cette nouvelle trajectoire de décarbonation. Dans le cadre du document de consultation de la SNBC 3, des budgets carbone provisoires ont été présentés. Pour tous les secteurs, l’effort supplémentaire à réaliser est significatif, en particulier pour l’industrie dont le plafond d’émissions de gaz à effet de serre pour la période 2029-2033 a été réduit de 20%.
Comparaison entre les 2e, 3e et 4e budgets carbone de la SNBC 2 et une estimation provisoire des 3e et 4e budgets carbone de la SNBC 3 (MtCO2e/an)
Source : DGEC
De nombreux leviers pour décarboner l’industrie
L’industrie représente environ 17% des émissions nationales de gaz à effet de serre, un poids tendanciellement en déclin (26% en 1990). La métallurgie, la chimie, les minéraux non-métalliques et les matériaux de construction représentent à eux seuls plus de 70% de l’ensemble des émissions du secteur. Elles sont d’ailleurs très concentrées puisque 55% de ses émissions émanent de 50 sites industriels.
L’objectif provisoire de la SNBC 3 est de réduire les émissions de GES du secteur à 45 MtCO2eq en 2030 contre un peu plus de 62 MtCO2eq en 2024 selon les chiffres provisoires de CITEPA.
Leviers de réduction des émissions dans l’industrie
Source : inventaire national des émissions de gaz à effet de serre, Citepa, Secten 2023; modélisations DGEC (éléments présentés dans le projet de SNBC 3 mis en consultation fin 2024)
Pour atteindre l’objectif de réduction des GES assigné à l’industrie, la SNBC 3 envisage différents leviers dont les principaux sont :
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- L’électrification du secteur qui devrait passer par l’installation de pompes à chaleur, le recours à des chaudières électriques (notamment pour la chimie et l’agroalimentaire) et à des fours électriques (en particulier pour la métallurgie et le verre).
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- L’utilisation de la biomasse et des combustibles solides de récupération (CSR). Dans cette optique, la biomasse devrait être prioritairement orientée vers les usages hautes températures pour lesquels l’électrification peut être difficile. Le biogaz et les CSR doivent également être privilégiés en substitution des énergies fossiles.
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- L’efficacité énergétique. Dans ce domaine, la récupération de chaleur fatale est prioritaire pour une utilisation sur site et l’alimentation de réseaux de chaleur industriels et résidentiels.
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- La sobriété énergétique avec le développement de produits moins énergivores et consommant moins de ressources naturelles. La sortie des plastiques à usage unique et les matériaux de construction alternatifs sont des voies possibles.
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- La consommation d’hydrogène bas-carbone ou renouvelable, autrement dit produit à partir d’électrolyseurs alimentés par de l’électricité elle-même décarbonée. Il s’agit à la fois de remplacer la consommation d’hydrogène d’origine fossile et de convertir certains secteurs, tels que la sidérurgie, à cette nouvelle énergie.
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- La capture, le stockage ou la valorisation du carbone dans une logique d’élimination des émissions résiduelles.
145 TWh
La consommation d’électricité attendue du secteur indsutriel en 2030 contre environ 105 TWh en 2024
Sources : projet de SNBC 3, SDES
A noter que les ambitions de réindustrialisation de la France devraient se traduire, par ailleurs, par de nouvelles émissions de gaz à effet de serre estimées à 8 MtCO2eq par an d’ici 2030.
La SNBC 3 mise sur l’accompagnement de l’industrie sur le chemin de la décarbonation
Le projet de SNBC 3 liste un large panel de mesures et de dispositifs pour accompagner l’industrie sur la voie de la décarbonation. Il s’agit en fait d’outils existants ou déjà annoncés tels que le programme France 2030, le fonds chaleur, les certificats d’économies d’énergie ou encore les aides à la production l’hydrogène décarboné. La réforme du système d’échange des quotas d’émission (SEQE ou ETS pour l’acronyme anglais) avec notamment la fin progressive des quotas gratuits est également une incitation forte à la décarbonation.
Dans le projet de SNBC 3, le gouvernement introduit, par ailleurs, la « garantie d’un prix de l’électricité décarbonée compétitif par rapport aux solutions fossiles ». C’est en effet un prérequis pour opérer l’électrification des usages et le recours massif à l’hydrogène. Le mécanisme remplaçant l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) qui prend fin au 31 décembre 2025 devrait y pourvoir tout comme la réduction des incitations à l’utilisation des énergies fossiles.
Le secteur industriel respecte les temps de passage définis par la SNBC
Evolution des émissions de GES de l’industrie en France
Source : Citepa, Secten 2025
Pour le moment, la décarbonation du secteur industriel avance bien. Le budget carbone de la SNBC 2 pour la période 2019-2023 a été respecté. Il était de 75 MtCO2eq en moyenne par an alors que les émissions du secteur ont été d’un peu plus de 72 MtCO2eq. L’objectif est maintenant de réussir à ne pas dépasser le budget carbone de la période 2024-2028. Selon les premières données de CITEPA, les émissions de l’industrie en 2024 ont été un peu supérieures au plafond du projet de SNBC 3 (62 MtCO2eq contre 59 MtCO2eq). La baisse des émissions a nettement ralenti l’an dernier : -1,4% entre 2023 et 2024 contre -10% entre 2022 et 2023. Pour respecter son budget carbone prévisionnel, l’industrie doit désormais réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 2,5% par an en moyenne de 2025 à 2028, un défi à sa portée.