Green Deal - plan industriel du pacte vert
Energie

Clean Industrial Deal : l’Europe dévoile son business plan pour concilier décarbonation et compétitivité

Publié le : 30 avril 2025

Il était particulièrement attendu. De quoi s’agit-il ? Du Clean Industrial Deal (ou Pacte pour une industrie propre, en français) : le plan pour la compétitivité et la décarbonation dans l’Union européenne.

Présenté le 26 février dernier, ce pacte est issu d’un constat fort. La présence d’une base industrielle solide est essentielle pour l’Europe et sa compétitivité. Mais les industries européennes font actuellement face à une double difficulté : des coûts de l’énergie élevés et une concurrence mondiale de plus en plus soutenue. La Commission européenne a donc acté qu’elles avaient besoin de soutien, et d’un soutien urgent

Les débats ont été vifs au niveau européen autour de la poursuite – ou non – d’objectifs de décarbonation de plus en plus ambitieux. La Commission européenne a tranché : la décarbonation de l’Europe doit se poursuivre et même devenir un moteur de croissance pour l’industrie européenne. C’est l’objectif principal du Clean Industrial Deal. Un défi. 

Tour d’horizon des mesures les plus emblématiques.

Clean Industrial Deal

Deux secteurs sont au cœur des enjeux

Ce pacte propose un ensemble de mesures pour soutenir la production de deux secteurs en particulier : 

  • Les industries à forte intensité énergétique. On retrouve par exemple l’acier, les métaux et le secteur de la chimie qui doivent être soutenus en urgence. La Commission européenne estimant qu’ils sont actuellement soumis à une concurrence jugée « déloyale ». 
  • Le secteur des technologies propres est indispensable pour soutenir l’effort de décarbonation.

Le Clean Industrial Deal est également centré autour de la notion de circularité notamment pour optimiser les ressources jugées limitées de l’Union européenne pour certaines matières premières et ainsi réduire sa dépendance.

La mesure la plus concrète : la création d’une Banque de la décarbonation dotée de 100 milliards d’euros

C’est la mesure la plus concrète du Clean Industrial Deal. L’Europe va mobiliser 100 milliards d’euros pour financer ce qu’elle appelle la transition verte, c’est-à-dire soutenir la fabrication « propre » dans l’Union européenne. 

Dans le détail, trois grandes mesures vont être adoptées :

  • Renforcer le Fonds pour l’innovation et créer une Banque de la décarbonation pour l’industrie avec un objectif de financement de 100 milliards d’euros provenant du Fonds pour l’innovation, de recettes liées à la vente de quotas de CO2 et du programme InvestEU (dont le soutien serait porté à 50 milliards d’euros). 

  • Simplifier les aides d’Etat pour accélérer l’autorisation des mesures d’aides pour les énergies renouvelables, les technologies de décarbonation, etc. L’adoption de cette mesure devrait intervenir d’ici au mois de juin 2025. 
  • Stimuler la recherche et l’innovation avec le lancement d’un appel à projets spécifique via le programme européen Horizon Europe. 

400 à 500 milliards d’euros au total

La Commission européenne estime que cet apport d’argent public (100 milliards d’euros) devrait permettre de lever trois à quatre fois plus de fonds privés.

La mesure la plus attendue : le futur plan d’action pour une énergie abordable

En parallèle du Clean Industrial Deal, la Commission européenne a présenté son futur Affordable Energy Action Plan (ou plan d’action pour une énergie abordable, en français). Comme son nom l’indique, son objectif est clair, et ambitieux : réduire la facture énergétique des industries, des entreprises et des ménages. 

A nouveau, ce plan repose sur un constat qui couvre cette fois trois dimensions. Premièrement, la Commission estime que la pauvreté énergétique touche plus de 46 millions d’européens, tandis que les prix de l’électricité pour les industriels étaient toujours deux fois plus élevés en 2023 que la moyenne observée sur la période 2014-2020. De plus, l’écart des prix de l’énergie entre l’Europe et ses principaux concurrents se creuse, avec un risque élevé de délocalisations. 

    694 milliards d’euros

    La facture des importations d’énergie de l’Union européenne en 2022. 

    Source : Commission européenne

    Deuxièmement, la Commission européenne juge l’intégration des systèmes électriques européens à la fois incomplète et inefficace, notamment en raison de la longueur des procédures d’autorisation. 

    Troisièmement, les redevances liées au réseau ainsi que les taxes et prélèvements ont porté les prix de l’électricité à la hausse. Une situation qui risque, de plus, de s’aggraver compte tenu du montant élevé des investissements réseaux à engager dans les années à venir. A titre d’illustration, la Cour des comptes européennes estimait, début avril 2025, à plus de 1 800 milliards d’euros les investissements à engager dans les réseaux électriques des 27 Etats membres d’ici 2050. 

    En conséquence, le futur plan d’action pour une énergie abordable repose sur plusieurs grands leviers à actionner. 

    1. Achever le marché intérieur de l’énergie notamment en créant de nouvelles interconnexions entre les pays. La Commission européenne estime que l’intégration actuelle des marchés européens de l’énergie apporte aux consommateurs européens des bénéfices de l’ordre de 34 milliards d’euros par an. Une intégration plus poussée pourrait porter ces bénéfices à 40 ou 43 milliards d’euros par an d’ici 2030. Pour cela, outre une meilleure optimisation des investissements réseaux, la Commission européenne suggère que les Etats membres pourraient subventionner les redevances réseaux en utilisant leur budget public et réduire les taxes liées à l’énergie. Une proposition certes directement efficace mais qui pourrait, pour certains pays, se heurter à des réalités d’équilibre budgétaire.

    Des garanties publiques européennes pour stimuler le marché

    La Commission européenne prévoit de lancer avec la Banque européenne d’investissement deux programmes de garantie : 

    – l’un pour promouvoir les power purchase agreements (PPA), c’est-à-dire les contrats d’achats directs à long terme de production d’électricité, doté de 500 millions d’euros

    – l’autre pour pousser la fabrication des équipements nécessaires aux réseaux électriques, doté de 1,5 milliard d’euros.

    2. Accélérer le déploiement des énergies propres et pousser l’électrification des usages. La Commission européenne souhaite que les Etats membres accélèrent considérablement les procédures d’autorisation et de réglementation. Une proposition législative en ce sens devrait être portée au cours du 1er semestre 2025. En revanche, le très attendu plan d’action pour l’électrification a été reporté au 1er trimestre 2026. La Commission européenne évalue à 32 milliards d’euros en 2030, les économies qui seraient liées à une accélération de 40% de l’électrification des usages (dans les secteurs de la chaleur, des transports et de l’hydrogène).

    3. Utiliser plus efficacement l’énergie et réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés. La Commission européenne envisage sur ce point d’améliorer l’accès aux financements et de fournir des incitations financières pour soutenir encore plus les solutions d’efficacité énergétique aux entreprises. 

    La Commission européenne évalue à environ 45 milliards d’euros les économies potentielles en 2025 (principalement du fait de moindres importations de combustibles fossiles), puis à 130 milliards d’euros par an d’ici 2030 et à 260 milliards d’euros par an d’ici 2040. 

    La mesure la plus consensuelle : la soutien à la demande de produits propres

    Pour être complète, la Commission européenne va travailler, outre sur la production de technologies et de production propres, sur le soutien à la demande. 

    L’idée est ici de proposer un futur acte législatif pour introduire des critères de durabilité, de résilience et même de préférence européenne dans les appels d’offres publics, voire privés. 

      L’une des mesures les plus difficiles à mettre en œuvre : la réduction de la dépendance de l’Europe aux matières premières critiques

      Pour tenter de réduire sa dépendance, l’Europe souhaite miser sur trois leviers majeurs : 

      • Mettre en place un mécanisme permettant aux entreprises européennes de se regrouper pour agréger leur demande de matières premières critiques. 

      • Créer un centre européen dédié aux matières premières critiques pour effectuer des achats conjoints pour le compte des entreprises intéressées afin d’augmenter le pouvoir de négociation et ainsi obtenir de meilleures conditions financières. 

      • Développer l’économie circulaire pour miser sur la réutilisation des matières premières. La Commission européenne prévoit d’adopter, en 2026, une loi sur l’économie circulaire.

      24%

      Le taux d’utilisation circulaire des matériaux ciblé en 2030 (contre 11,8% en 2023).

      Source : Commission européenne, Agence européenne de l’Environnement

      Le Clean Industrial Deal européen était très attendu par de nombreuses parties prenantes. Et pour certaines d’entre elles, il a en partie déçu, notamment en raison du nombre limité de mesures concrètes ayant un impact immédiat.

      Ce Clean Industrial Deal est en effet une sorte de « business plan » de l’Union européenne dont la mise en œuvre devrait s’appliquer sur une période de deux ans via la publication de plusieurs dizaines de propositions de directives et de règlements européens. Une chose est néanmoins sûre, la question de la compétitivité européenne, en lien avec les prix de l’énergie et les objectifs de décarbonation est bien au cœur de l’agenda européen.