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Energie

La réforme des marchés européens de l’électricité est lancée

Publié le : 6 décembre 2023

L’Europe a connu une crise énergétique sans précédent

L’Europe ne souhaite pas connaître de nouveaux les difficultés rencontrées l’hiver dernier sur le plan énergétique. Confrontée à une crise du gaz avec le redémarrage de la croissance en Asie puis l’impact de la guerre en Ukraine, puis à sa transposition à l’électricité, l’Europe cherche les moyens permettant de faire face à une telle situation. 

275 €/MWh le prix de gros moyen de l’électricité sur le marché spot français en 2022

VS 

48 €/MWH le prix de gros moyen entre 2012 et 2021

Sources : presse, divers

Après avoir explosé, les prix de gros de l’électricité sont certes nettement retombés, mais ils restent toujours deux fois supérieurs à ceux observés lors de la période 2012-2021. Dès lors, la vigilance reste de mise. 

Une première réponse européenne jugée insuffisante par de nombreux Etats membres

Face à l’envolée des prix de l’énergie, la Commission européenne a tout d’abord mis en place un paquet de mesures qu’elle a elle-même dénommée la « boîte à outils », signe des ambitions limitées de ces mesures. Une réponse jugée très largement insuffisante par de nombreux Etats Membres, à commencer par la France.

    657 milliards €

    Le montant affecté par les gouvernements de l’UE pour protéger les ménages et les entreprises contre le choc énergétique en 2022 

    Source : Brugel 

    Concrètement, il s’agissait de laisser aux Etats membres la possibilité de mettre en place, eux-mêmes, les réponses jugées les plus appropriées au niveau national : soutien aux ménages les plus modestes, allègements fiscaux sur l’électricité, aides aux petites entreprises, etc. 

      La France s’est engagée dans cette voie avec plusieurs mesures de soutien direct aux consommateurs telles que la quasi-suppression de la taxe intérieure sur les consommations finale d’électricité (TICFE) ou encore l’amortisseur électricité. Mais la France a continué à appeler à une réforme plus profonde des marchés de l’électricité.

        0,5 €/MWh

        Le niveau actuel de TICFE (contre 22,5 €/MWh pour les clients industriels précédemment)

        Source : Gouvernement

        Une réflexion de fond engagée sur la réforme des marchés européens de l’électricité

        La persistance de prix de l’électricité élevés à finalement amené la Commission européenne a engager une réflexion de fond en définissant en premier lieu les objectifs à atteindre. 

        Cette réforme de l’organisation vise 4 objectifs principaux : 

          1. Réduire la dépendance des prix de gros de l’électricité à l’évolution à la hausse du prix des combustibles fossiles (et du gaz naturel en particulier)
          2. Accélérer le déploiement des énergies renouvelables pour viser une part de 42,5% dans la consommation d’énergie de l’Europe en 2030
          3. Disposer de réponses pour protéger les consommateurs en cas de forte hausse de prix (comme lors de l’hiver 2022/2023 par exemple) 
          4. Améliorer plus largement la protection des consommateurs

        Un point de discussion a par ailleurs rapidement été écarté : celui de la réforme du mode de fixation du prix sur le marché. Communément appelé « merit order », il repose sur un principe simple : faire fonctionner les moyens de production du moins cher au plus cher sur la base de leur coût marginal de production. Le dernier moyen de production appelé pour couvrir la consommation fixant le prix pour l’ensemble des centrales en fonctionnement. Ce mode de fixation des prix a, en effet, été jugé efficace pour garantir l’équilibre des systèmes électriques à court terme. En revanche, la question du long terme a elle fait l’objet de nombreuses discussions.

        La consécration des contrats long terme

        Le 17 octobre 2023, une étape clé a été franchise avec un accord du Conseil européen sur les orientations générales de cette future réforme des marchés européens de l’électricité. 

        Tout d’abord, cette réforme vise à stabiliser les marchés de l’électricité sur le long terme. Pour cela, deux outils principaux ont les faveurs de l’Europe.

        Les power purchase agreements (PPA) devront être encouragés par les Etats membres. Les PPA sont des contrats privés entre un producteur et un consommateur pouvant être signés sur le long terme, offrant ainsi de la visibilité sur le prix aux deux parties. Les Etats membres devront lever les éventuels obstacles juridiques et les procédures ou frais disproportionnés. Ils pourront également mettre en place une garantie publique pour favoriser le développement de ce type de contrats. En France, les clients industriels auront par exemple la possibilité de souscrire à des contrats long terme avec des producteurs. Les clients industriels pourront ainsi stabiliser une partie de leur budget en électricité sur 5, 10 ou 15 ans par exemple et de ce fait réduire significativement leur exposition à une future nouvelle envolée des prix de gros.

        Déjà en vigueur pour soutenir certaines filières renouvelables, les contrats pour différence (contract for difference ; CfD) deviendront obligatoires pour tous les nouveaux moyens de production qui bénéficieraient de soutien public. Les CfD reposent sur un principe simple : ils garantissent un prix cible au producteur, ce qui lui permet de faciliter sa décision d’investissement. Si les prix de gros sont inférieurs à ce prix cible, alors les pouvoirs publics versent la différence au producteur. Mais en parallèle, ces CfD offrent également une sécurité aux pouvoirs publics. En effet, lorsque les prix de gros de l’électricité sont supérieurs au prix cible, alors les producteurs versent la différence aux Etats concernés. En cas d’envolée des prix, les pouvoirs publics sont ainsi assurés de récupérer une partie de cette hausse. Point important, ils auront la possibilité d’utiliser ces rentrées financières pour soutenir les consommateurs en cas de hausse des prix.

         

        Une meilleure protection des industriels en cas de crise

        Le volet relatif à la protection des clients contient, quant à lui, plusieurs mesures emblématiques :

        • Les fournisseurs devront systématiquement proposer plusieurs offres (prix fixe, prix dynamique, etc.), tandis que la possibilité de recourir à plusieurs fournisseurs pour un même site a été évoquée. Par exemple, une entreprise pourrait souscrire à une offre à prix fixe pour une partie de sa fourniture d’électricité, mais également, en parallèle à une offre à prix dynamique, par exemple pour la recharge des véhicules électriques ;
        • Tous les clients pourront participer à des programmes de partage de l’énergie (par exemple au sein de communautés énergétiques) avec une utilisation, un partage et un stockage de l’énergie autoproduite ;
        • Les fournisseurs d’électricité devront renforcer leur couverture des prix afin de protéger les clients de trop fortes variations de prix, tandis qu’un fournisseur de dernier recours devra être désigné pour reprendre les clients d’un fournisseur en faillite ;
        • Les pouvoirs publics pourront, de manière temporaire, appliquer des prix réglementés aux ménages, mais également aux PME et ces prix pourront être inférieurs aux prix de gros, une nouvelle manière de protéger les consommateurs d’une future explosion de prix.

        L’accord offre également la possibilité aux Etats de continuer à taxer les surprofits générés par les compagnies d’électricité en cas de période de forte hausse des prix. Le produit de cette taxation peut ensuite être utilisé pour aider directement les clients, y compris les industriels, à réduire la hausse de leur facture.

        La prochaine étape consiste maintenant en un passage par le Parlement européen. Bien sûr, des arbitrages sont encore possibles lors de cette étape législative. Mais la voie tracée est désormais claire : l’Europe va se doter d’un dispositif anti-crise de l’énergie, afin de ne pas revivre la période difficile de l’hiver dernier. Une vraie bonne nouvelle pour tous les consommateurs d’électricité et en particulier les clients industriels dont les besoins en électricité sont élevés.